INTERPRÈTE EN LANGUE DES SIGNES

17 Jan, 2020 | Info

ELLE NE COMPTE PLUS LE NOMBRE D’HOMMES AUXQUELS ELLE A DIT « OUI » !

Il est des métiers peu connus, mais qui ont pourtant un rôle social et humain immense. Celui de Vinciane Sauren est de ceux-là : elle est interprète en langue des signes. Une profession qu’elle exerce avec passion et originalité, des centres médicaux aux mariages, en passant par les salles de concert.

Présente à toutes les étapes de la vie

Vous avez probablement déjà aperçu son visage lors du journal télévisé de la RTBF : depuis fin 2015, la Fouronnaise traduit régulièrement le JT en langue des signes : « J’ai postulé par défi, pour voir si j’avais le niveau. Puis j’ai été sélectionnée… et je me suis prise au jeu ! », se souvient-elle. « J’interprète en direct à 19h30. Mais j’ai les textes et reportages vers 18 heures pour me préparer, même si tous ne sont pas encore définitifs. » Un exercice de haut-vol, qui n’est pourtant qu’une seule des cordes que Vinciane Sauren a à son arc. « Il m’arrive aussi d’être interprète pour des mariages. Je ne sais plus à combien d’hommes et de femmes j’ai déjà dit ‘oui’ ! », s’amuse-t-elle. « Je dois aussi de temps en temps prester à des enterrements, même si j’évite car il est très dur de contrôler ses émotions… ».

En concert aussi

Occupée principalement au centre médical d’audiophonologie Montegnée, où elle accompagne les enfants sourds en tant que logopède, Vinciane Sauren adore explorer de nouveaux terrains de jeu. C’est ce qu’elle fait par exemple depuis de nombreuses années, lors du festival des Solidarités à Namur, au Reflektor à Liège ou pendant les Francofolies de Spa. Pour cela, elle est membre de l’association « Muzik’ en signes », qui collabore depuis 2003 avec le festival pour traduire certains concerts. « Cela donne de la visibilité aux sourds, pour que la société prenne conscience de leur existence et puisse être la plus inclusive possible. C’est un plaisir de transmettre un boulot que j’aime… et j’adore aussi la musique ! ».

Sourd ou malentendant ? 

Faut-il dire « sourd » ou « malentendant » ? Pour Vinciane Sauren, la réponse est claire : « ‘Sourd’, c’est leur identité. Par contre, quand est-on ‘malentendant’ ? Personne ne se met d’accord là-dessus. ‘Sourd’ ne veut pas dire qu’on n’entend rien, il y a plusieurs niveaux. » On estime qu’environ 9% de la population belge a des problèmes d’audition, à différents stades, soit environ un million de personnes. « Certains, sourds de naissance, sont élevés dans l’oralisme et n’ont pas toujours conscience des subtilités que la langue des signes pourrait leur apporter », déplore-t-elle. « Pour le JT, j’essaie de traduire tout au maximum : il y a plein de petites nuances dans le regard et dans la position du corps que les voyants ne perçoivent pas ».

Une langue interdite jusqu’en 1977

Une méconnaissance que l’on doit en grande partie au fait que la langue des signes a pendant longtemps été une pratique interdite. A partir de 1880 et du Congrès de Milan, d’éminents spécialistes de l’époque ont décidé que « l’oralisme » serait imposé, afin de pousser les sourds à parler et lire sur les lèvres. Il faudra attendre 1977 pour que la France en autorise officiellement l’usage. « Les sourds devaient signer en cachette et ils ont donc dû créer leurs propres dialectes », explique Vinciane Sauren. On compte donc actuellement plusieurs langues des signes en Belgique, variant légèrement d’une région à l’autre. « Moi je parle celle de Belgique, principalement de Liège. Et je complète avec ce que j’observe chez mes collègues », explique l’interprète. « Mais il y a tout de même une base visuelle commune. Deux sourds de deux pays différents communiqueront en fait plus facilement que nous ! ».

Aujourd’hui, Vinciane Sauren déplore le manque énorme de subsides destinés à la promotion de la langue des signes et à la disponibilité d’un nombre suffisant d’interprètes. Un intermédiaire pourtant totalement incontournable lors de certains moments-clés, comme le passage devant un notaire, la défense de ses droits en justice ou toute autre démarche officielle.

E.P.

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